Je suis écrivain, du moins j’essaie de l’être et puis surtout, je l’avoue, je ne l’ai pas toujours été.
Quand on lit des interviews d’écrivains, c’est souvent la même rengaine. Leur vocation remonte à leur enfance : ils écrivaient des poèmes, des pièces de théâtre à un acte, des nouvelles ou des mini-romans.
Ce n’est pas mon cas.
Si je fouille intensément dans ma mémoire, j’ai moi aussi écrit quelques poèmes quand j’étais gamine. Mais qui ne l’a pas fait ? A l’adolescence, j’ai essayé tant bien que mal de tenir un journal intime. Sans grand succès. Je me suis frottée à l’écriture de paroles de chansons. Ces expériences enfantines et ponctuelles suffisent-elles à justifier l’origine de ma vocation ?
Au lycée, l’écriture de commentaires composés et autres dissertations n’était pas forcément ma tasse de thé, même si j’y mettais toute mon énergie et ma volonté d’élève studieuse. Sans doute parce qu’il s’agissait d’une écriture forcée, réalisée sous la contrainte et selon des règles précises, je n’y trouvais pas de réel plaisir. Cette écriture ne venait pas du cœur et surtout, ce n’était pas un besoin vital.
Plus tard, il y eu la rédaction du mémoire de fin d’études pour Science Po écrit sans trop de difficultés mais de manière trop concise – on me le fit remarquer. Puis plusieurs mémoires de DEA et enfin la rédaction d’une thèse de doctorat. Cette dernière fut une première révélation. Alors que d’autres doctorants peinaient devant leurs écrans blancs et retardaient sans cesse le processus d’écriture, il fut au contraire pour moi, une véritable libération. Les mots et les phrases jaillissaient. Je me libérais enfin de cette période de recherche intense qui m’avait minée et je couchais enfin sur le papier plus de trois années de dur labeur. Ma thèse de doctorat fut mon premier enfant. L’expérience fut certes moins douloureuse qu’un accouchement, mais la métaphore correspond assez bien au processus d’écriture : la douleur, la violence que l’on se fait à soi-même et à son intimité, les morsures au cœur. Sans que je ne m’en rende compte – et j’en ai pris conscience que rétrospectivement – j’avais pris des habitudes d’écriture.
Puis, l’écriture intime a pris le relais de l’écriture académique qui m’a de fait formée.
J’ai commencé à écrire dans des petits carnets bleus en 2002, l’année de notre arrivée à Colombo (Sri Lanka). J’étais enceinte, isolée et je me posais des milliers de questions sur mon avenir personnel et professionnel. Pendant ce séjour, j’ai écrit de manière sporadique. J’ai repris l’écriture intime en 2007 à la veille d’un nouveau départ à l’étranger. Instinctivement, cette pratique quotidienne m’a préparé psychologiquement à la rupture d’avec ma vie française. Depuis, l’écriture de mes pages matinales ou tardives ne m’a plus jamais vraiment quitté. Elles sont ancrées dans ma vie quotidienne. Les mots sont mes remèdes.
Et vous, depuis quand écrivez-vous ? L’écriture a-t-elle toujours été en vous ou a-t-elle surgit a un moment de votre vie ?